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Le Tunnel
→ Citations
p.17
Il suffit d'observer les familles nombreuses où se répètent certains traits, certains gestes, certaines intonations. Il m'est arrivé d'etre amoureux d'une femme (sans me déclarer bien sùr) et de fuir, effrayé par l'éventualité de connaìtre ses sœurs. J'avais vécu quelque chose d'horrible en une autre occasion : le visage d'une femme m'avait semblé très intéressant, mais d'avoir fait la connaissance de sa sœur m'avait laissé longtemps honteux et déprimé. Les memes traits qui chez l'une m'avait parus admirables se retrouvaient accentués et déformés chez sa sœur, un peu comme dans une caricature. Et cette espèce de vision déformée de la premiere femme en sa sœur avait suscité en moi, en plus de cette sensation, un sentiment de honte comme si j'étais en partie coupable du jour légèrement ridicule que sa sœur jetait sur la femme que j'avais tellement admirée.
p.45
Je ne crains pas d'avouer que, quelquefois, je n'ai pas pu manger de la journée, ou peindre de toute une semaine pour avoir relevé tel ou tel trais de caractère. C'est incroyable à quel point la cupidité, l'envie, la prétention, la grossièreté, l'avidité et en général tout cet ensemble d'attributs qui forment la condition humaine, transparaissent sur un visage, dans une démarche, dans un regard. Il me parait naturel qu'après une telle rencontre, on n'ait plus envie de manger, de peindre ni mème de vivre. Pourtant, je tiens à ce qu'il soit bien clair que je ne tire nul orgueil de cette caractéristique.
p.111
Alors je me suis trainé jusqu'à la salle de bains et je me suis mis tout habillé dans la baignore. L'eau froide à commencé à me calmer et dans ma tète sont apparus peu à peu quelques faits isolés, toujours par bribe et sans liens entre eux, comme les premiers objets qu'on voit émerger après une inondation.